Au début du siècle dernier, par lettres et livres interposés, s’engage un dialogue, entre l’écrivain français Romain Rolland et S. Freud, entre un chrétien non dogmatique, mystique, panthéiste, attiré par l’hindouisme et un juif athée, empreint de culture biblique qui a quelque peu évacué l’idée de transcendance.
Dans ce dialogue, R Rolland le musicologue s’adresse à S. Freud qui semble lui assez étranger aux charmes de de la musique. Pour R. Rolland la musique c’est la mer intérieur, l’âme, profonde, sa vraie langue, il parle d’une sensation océanique, comme une attraction vers l’infini, un vertige de l’éternité une union avec un grand tout, bref un chemin vers la transcendance. Dans « Malaise dans la civilisation « Freud résume la pensée ce que ressent son ami : un sentiment qu’il appellerait volontiers un sentiment d’éternité, un sentiment comme quelque chose de sans frontière, sans borne.
Pour Freud point de sensation océanique ni de transcendance mais plutôt une sensation de nostalgie, d’un retour au moi primaire du fœtus dans le liquide amniotique là ou la voix de la mère représentait l’idéalisation de la musique. Rien donc là de mystique ou tout au plus une sensation de plaisir archétypal, une nostalgie d’une union du moi avec le monde environnant, avec l’océan assimilé à la vie intra utérine, un retour avec une unité première.
Deux propositions pour parler de ces émotions qui nous saisissent à l’écoute de la musique et cette sensation de plaisir dans l’élément liquide ; l’une mystique évoquant un sentiment religieux hors Église et l’autre qui ne serait qu’un état modifié de la conscience survenant devant la création artistique et exerçant sa pensée ?
Mais y a-t-il vraiment opposition entre les deux propositions R. Rolland ne parle-t-il pas le même langage que S. Freud ; ce sentiment océanique n’est-il pas ce que S. Ferenczi évoque dans Thalassa à propos de l’amour et l’acte sexuel : le désir de retrouver l’humidité première du milieu marin mais aussi ce besoin d’unification entre la terre et l’océan, entre le père et la mère. Le désir d’enfantement et de prolonger l’espèce ne serait-ce pas à la fois une lutte entre la tendance régressive thalassale et le souvenir de la lutte pour la survie face à un milieu ambiant à priori hostile de la terre par rapport au milieu aquatique ? Une tentative d’unification entre libération de la libido et une « re-visitassion » des catastrophes personnelles et collectives survenues depuis l’apparition de la vie.
Yorumlar